« Avec l’IA, nous sommes entrés dans une nouvelle révolution industrielle » Philippe Waetcher

Temps de lecture : 6 minutes

Comment le digital et l’IA impactent-ils l’économie ? Les changements sont-ils déjà perceptibles ? Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management, a répondu à nos questions.

 

Microsoft profile picture
Philippe Waetcher

Directeur de la recherche économique,

Ostrum Asset Management

 

L’intelligence artificielle a enclenché une nouvelle révolution industrielle et fait évoluer les modes de fonctionnement des entreprises. En traitant et en analysant les données, elles peuvent gagner petit à petit en efficacité. Une dynamique d’innovation est insufflée progressivement dans les toutes les étapes de production et plus largement dans l’économie. Explications avec Philippe Waechter.

Comment le numérique, et plus spécifiquement l’IA, se sont-ils intégrés dans l’économie ? 

Philippe Waechter : Cela fait longtemps que l’économie a intégré le numérique. Mais tout s’est accéléré quand on a compris que l’ordinateur pouvait aller plus loin que la simple exécution de programmes et qu’il pouvait aussi traiter des données et s’en nourrir pour s’améliorer de façon autonome.

C’est là que l’intelligence artificielle a commencé à se développer et à permettre une évolution de la technologie à faible coût. L’intelligence artificielle est désormais au cœur de la nouvelle révolution industrielle. Même en France où d’ordinaire l’adoption des nouvelles technologies est plus lente que dans les pays anglo-saxons, l’industrie en a compris les usages bénéfiques. Que ce soit pour l’organisation du travail, pour optimiser la production ou pour accélérer les innovations, la révolution industrielle en marche est indissociable de l’intelligence artificielle. Les capacités de la technologie ont considérablement augmenté mais elle ne coûte pas plus cher pour autant.

En effet, vous connaissez peut-être la loi de Moore, qui a théorisé le fait que le prix des micro-processeurs ne cessait de baisser alors que leurs capacités augmentaient de façon très régulière. Progressivement, nous sommes parvenus à traiter l’information avec des technologies de plus en plus efficaces, miniaturisées et de moins en moins coûteuses. Cela a permis un changement d’échelle. Nous pouvons l’illustrer par le téléphone portable qui est dans votre poche. Il est d’une taille ridicule par rapport à ses capacités !

L’économie ne suit plus le même modèle qu’il y a 10 ou 20 ans.

Quant à l’IA, nous n’en sommes qu’aux prémices ! Mais elle apporte déjà des bénéfices comme toutes les précédentes révolutions industrielles. Il faut du temps et de la patience mais dans la durée, son utilisation devrait se généraliser.

Replay

Vers un numérique plus durable et soutenable

Découvrez la proposition de Microsoft pour un numérique soutenable et durable traduite en 21 actions.

Visionner le replay

En quoi l’IA modifie-t-elle l’organisation du marché ?

L’IA modifie en profondeur l’organisation du marché à cause de ses fortes capacités à automatiser toutes sortes de tâches dans tous les secteurs de l’industrie. Les usines subissent une transformation à grande échelle qui modifie même le concept d’industrie. Elles sont en prise directe avec l’économie globale : leur productivité s’en ressent grandement et cela impacte mathématiquement l’ordre des marchés. La transformation numérique est elle-même une révolution industrielle car en optimisant la production, elle réduit le time-to-market. Les erreurs de transformation des usines se font plus rares. Les produits deviennent meilleurs et moins chers. Le SAV est en passe de perdre sa place dans l’industrie.

P.W : Les entreprises s’adaptent à la technologie, on l’a déjà vu avec l’électrification à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, elles intègrent l’IA, dont les impacts macroéconomiques se feront véritablement sentir dans 5 à 10 ans. Le premier changement que j’anticipe est que les entreprises seront de plus en plus éclatées. En effet, l’ensemble des process seront plus efficaces car il existera des entreprises spécialisées dans des secteurs très précis. Elles apporteront des solutions qui répondront à des besoins spécifiques.

Les entreprises externaliseront donc de plus en plus de compétences, ce qui devrait alléger leur mode de fonctionnement. Cette tendance modifie les façons de faire et de penser des entreprises. Nous nous dirigeons probablement vers une plateformisation de l’économie. Nous serons bientôt en mesure de développer plus rapidement de nouvelles activités à coût modéré en allant chercher les compétences nécessaires à l’extérieur de l’entreprise.

Prenons l’exemple du secteur de la banque. De nouveaux acteurs comme les fintechs, qui misent sur la technologie et l’IA pour proposer des solutions innovantes, concurrencent des segments de leur activité. Les grandes banques s’appuieront de plus en plus sur un écosystème de partenaires, pour offrir des services plus personnalisés.

Les petites entreprises, quant à elles, pourront se développer plus rapidement en faisant appel à des prestataires qui ont la capacité de répondre à leurs besoins de manière rapide et efficace.

En changeant les technologies, on est obligé de changer les modes de fonctionnement.

Septembre 
26
12h00
Big Data & AI Paris 2022 Big Data & AI Paris offre une occasion unique de s’informer sur les dernières tendances du marché et networker avec l’ensemble des professionnels de la data et de l’intelligence artificielle en France. Rejoignez M… S’inscrire En savoir plus

L’IA et le numérique peuvent-ils améliorer la productivité des entreprises ?

P.W : L’IA devrait rendre les entreprises globalement plus productives, car elles pourront rendre leurs collaborateurs plus autonomes, ce qui leur permettra d’être plus efficace. Il est devenu très simple de travailler depuis chez soi sans perte d’efficacité, ce qui était très rare dans le passé. On s’éloigne très nettement des chaînes de travail rigides du type Taylor, où on ne pouvait pas s’éloigner de son lieu de travail.

En analysant de grandes quantités de données industrielles, l’intelligence artificielle trouve en permanence des solutions pour améliorer la performance industrielle. La productivité s’en voit nettement améliorée. Les données issues du travail humain et de celui de la machine autorisent une maintenance et une organisation du travail prédictives. Les processus-métiers sont exploités à plein régime et les chaînes ne souffrent d’aucune interruption.

Conséquence directe : l’aménagement du territoire devrait se transformer. Si demain la connectivité est bonne partout en France, nous pourrons travailler dans un bureau dans le Cantal pour une entreprise basée à Paris ! C’est une piste de réponse à la question de la saturation du territoire, que ce soit pour les logements ou les transports car nous n’aurons plus besoin d’être tous au même endroit.

De plus, les coûts en santé publique liés aux accidents et à la pénibilité du travail et à la pollution seront moins élevés. Les technologies permettent ce genre de ruptures qui s’accompagnent de bénéfices macro-économiques assez importants.

On voit bien que les entreprises font des efforts d’investissement très importants pour améliorer leur productivité. Mais pour autant on n’en voit pas encore le signal macro-économique. On a observé le même phénomène avec l’électrification. Il faut du temps pour qu’une technologie entraîne une réorganisation du système productif efficace à l’échelle d’un pays. Une raison très simple : les entreprises doivent toutes adopter l’IA au même niveau.

Septembre 
26
12h00
Big Data & AI Paris 2022 Big Data & AI Paris offre une occasion unique de s’informer sur les dernières tendances du marché et networker avec l’ensemble des professionnels de la data et de l’intelligence artificielle en France. Rejoignez M… S’inscrire En savoir plus

Les innovations vont-elles créer une nouvelle dynamique d’emplois et de formation ?

P.W : Pour la formation c’est nécessaire. Il faut des choix politiques ambitieux pour que tout le monde intègre et accède progressivement aux innovations. Les personnes mal formées seront les plus fragiles sur le marché du travail.

De plus, un grand nombre d’actifs devront changer de métier. Pour eux, la formation est une priorité absolue. Ils doivent pouvoir se remettre à niveau et améliorer leur niveau de connaissance global sur cette révolution technologique. C’est d’ailleurs également nécessaire pour que l’économie soit dynamique.

Après, en ce qui concerne les emplois, il y a toujours un moment d’angoisse généralisée lors d’une révolution industrielle. L’incertitude face à la nouveauté et à l’inconnu nourrit des inquiétudes. Or, les révolutions technologiques ont toujours bouleversé les modes de production, certes, mais n’ont jamais entraîné une diminution du nombre d’emplois. De nouveaux secteurs d’activité vont générer des métiers encore inconnus aujourd’hui. C’est pourquoi il est très important d’avoir une formation adéquate. Ainsi, la transformation digitale va certes rendre obsolètes certaines tâches humaines. Mais dans le cadre d’une révolution industrielle basée sur les technologies de l’intelligence artificielle, nous allons assister à un recentrage des compétences. Les collaborateurs auront de plus en plus accès à la culture numérique notamment grâce à des formations vidéos sur smartphone et autres terminaux connectés. Ils peuvent d’ores et déjà s’abonner à des cours en ligne qui leur permettront d’accéder à un prochain poste plus rémunérateur et surtout plus créatif.

Les entreprises qui n’adoptent pas l’IA dès aujourd’hui vont-elles se faire dépasser ?

P.W : Oui. Quel que soit le secteur, on voit bien que la course à la technologie est lancée. Pour être capable de réagir comme ses concurrents, il faut se lancer dans l’IA et adopter de nouveaux process. Celles qui resteront en retrait seront pénalisées.

La prochaine révolution industrielle est déjà bien entamée. Cette révolution elle-même s’amplifie déjà grâce aux technologies des réalités virtuelles et augmentées. Les retombées économiques des économies d’échelle sont évidentes. Les données au service du monde digital sont le nouveau pétrole de l’industrie. Les entreprises qui ne prendront pas part à la révolution de l’industrie 4.0 tomberont inéluctablement en panne de croissance.

Mais les Etats ont également un rôle à jouer. Ils ont pour obligation de créer des conditions favorables afin que les entreprises puissent s’inscrire dans une économie plus globale et complexe.

 

A la une

#hololense

Le métavers au service de l’industrie

Alors que le métavers fait progressivement son chemin vers le grand public, il est déjà depuis déjà quelques années une réalité dans le secteur de l’industrie. Des technologies industrielles matures, dont Microsoft et ses partenaires se sont fait une spécialité. Une usine qui prend forme virtuellement avant d’être construite. D’immenses cuves de brassages connectées qui […]

Lire l'article
Etudiant devant un écran

L’adaptive learning change les codes de l’apprentissage

L’adaptive learning s’impose de plus en plus dans les formations, et pour cause : face à la pluralité des profils au sein d’un système scolaire l’adaptive Learning offre des outils pour traiter équitablement l’ensemble des profils d’apprenants. Mais quand est-il vraiment de cette méthode de pédagogie innovante ? Rencontre avec Pascal Bringer, directeur général de Maskott, […]

Lire l'article
Data loss prevention (DLP)

Data Management: tout ce qu’il faut savoir

Les données sont aujourd’hui indissociables des modes de travail et de production des organisations, encore faut-il savoir les gérer de façon efficace et intelligente : c’est ce qu’on appelle le « Data management » ou « gestion des données ». Explorons ce concept ensemble. Sommaire : 1. Présentation du Data Management 2. Explication de la […]

Lire l'article