Et si l’intelligence artificielle vous aidait à retrouver le sommeil ?
Le Laboratoire du sommeil du CHRU de Nancy s’appuie sur l’intelligence artificielle pour épauler les médecins. Cette expérimentation, qui pourrait être étendue à d’autres domaines de l’hôpital, est un nouveau jalon dans la convergence entre la santé, la big data et l’IA.
Pendant que vous comptez les moutons, l’intelligence artificielle surveille votre sommeil. Du moins, ce sera bientôt le cas au Laboratoire du sommeil du CHRU de Nancy, qui a mené cette année une expérimentation pour intégrer des algorithmes intelligents à ces processus pré-diagnostic.
Santé et Big Data
Les données de santé explosent : données issues des appareils de monitoring, d’imagerie médicale, d’analyses biochimiques… mais aussi rythme cardiaque, tension et activité physique enregistrés par les objets connectés personnels. Avec toutes ces données, la médecine est un terrain de jeu tout indiqué pour recourir à de l’intelligence artificielle. L’alliance de la santé et du Big Data ouvre de nouvelles perspectives de soins.
Dans le cas du sommeil, nous générons sans le savoir des milliers de signaux. Même endormis, l’activité électrique de notre cerveau, de nos muscles ou encore notre respiration fourmillent d’indications sur la qualité de notre sommeil. Dans le cadre de l’analyse du sommeil, les signaux produits par l’activité du cerveau, comme la fréquence et la longueur des ondes cérébrales, sont détectés par des capteurs posés sur le crâne, puis complétés avec des vidéos prises pendant la nuit. Ils constituent un socle de données qui permet au technicien ou au médecin d’identifier lorsqu’un patient passe par les différentes phases de sommeil et ainsi de détecter des anomalies lors du passage d’une phase à une autre.
« La première partie de l’analyse consiste à classifier le sommeil selon 5 grandes phases. Cette étape est faite soit par un technicien, soit par un médecin. Celui-ci fait environ un millier d’annotations sur le compte-rendu d’activité cérébrale. Elle est importante et dure entre 30 minutes et 1h par patient, ce qui est long. On voulait voir si ce travail de classification pouvait être traité par une IA, pour déléguer cette tâche qui prend du temps à la machine et permettre aux médecins et aux techniciens de se concentrer sur des tâches à valeur ajoutée, comme le diagnostic », explique Jean-Christophe Calvo, CHRU Nancy, Head of the territorial department of digital transformation and biomedical engineering.
Spoiler : oui.
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L’intelligence artificielle, une alliée au service du personnel soignant
Entraînée grâce aux données de 100 patients fournies par le Labo du sommeil à la société Bial‑X, l’intelligence artificielle « réussit » haut la main la phase d’expérimentation. Le système créé peut aujourd’hui prendre en charge cette phase de classification, ce qui permet un gain de temps pour les soignants. Jean-Christophe Calvo espère aujourd’hui étendre son usage au quotidien, dans le Laboratoire du sommeil pour commencer, dans d’autres services du CHRU par la suite.
Avec une approche “medical first”. « Ce sont les médecins qui portent l’innovation, ils savent précisément ce qui va faire avancer leur activité. Donc l’enjeu est de leur fournir un environnement technologique propice pour les accompagner. » À savoir une technologie qui embarque du machine learning et dispose d’une puissance de calcul suffisante, tout en justifiant d’une certification de sécurité lui permettant de traiter les données sensibles que sont les données de santé. C’est pour ces raisons que le CHRU a choisi la solution Azure de Microsoft.
« L’IA demande beaucoup de puissance informatique. Or, on n’avait pas cette puissance et cette capacité d’assimiler autant de données il y a 10 ans. Le principe de l’IA existe depuis des dizaines d’années, mais les technologies qui permettent de l’utiliser facilement sont très récentes. Les choses vont vraiment s’accélérer maintenant », se réjouit Jean-Christophe Calvo.
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Quand l’algorithme permet de gagner des années d’expérience
On sait que l’intelligence artificielle réalise déjà des prouesses en imagerie médicale. Certains algorithmes sont tellement précis qu’ils peuvent déceler et mettre en avant des tumeurs difficiles à voir à l’oeil nu, à moins d’être très exercé et d’avoir une certaine séniorité. L’IA permet ainsi à des jeunes médecins radiologues de sécuriser leur diagnostic.
Une IA pourrait également trier et classifier les données cardiaques relevées sur un ECG (électrocardiogramme). Ou identifier les bonnes dents sur une radio panoramique. Au CHRU de Nancy, des apprentis développeurs IA formés à l’école d’intelligence artificielle ouverte dans les murs de l’hôpital, en partenariat avec Simplon et Microsoft, cherchent à concevoir, avec l’IA, un référentiel numérique dans le secteur de l’imagerie nucléaire.
Et demain, une aide au diagnostic ?
Le CHRU envisage également de s’appuyer sur l’IA pour travailler sur les flux des urgences. « On veut croiser nos données avec les données extérieures (climat, jours fériés…) pour anticiper les engorgements. » Les équipes réfléchissent aussi à d’autres applications, notamment en biologie. Bref, tous les cas de figure sont possibles si une intelligence artificielle est bien entraînée, avec des données propres et exploitables.
« Aujourd’hui, la technologie de l’intelligence artificielle est bien présente. L’enjeu maintenant, c’est de savoir où on la met. Sur quoi apporte-t-elle une plus-value ? Sur quoi choisissons-nous d’aller plus loin que la pré-analyse ? Nous n’en sommes pas encore au stade du diagnostic médical posé par une IA. » Une chose est sûre : les données de santé, transcendées par l’intelligence artificielle, vont façonner la médecine de demain.
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