Jeux vidéo : le grand défi de la parité
Les femmes jouent massivement aux jeux vidéo mais sont encore mal représentées dans les studios. Comment leur donner une place dans cette industrie et obtenir une parité, seul moyen de développer les jeux de demain, moins clichés et plus inclusifs ?
Le jeu vidéo n’est plus une activité genrée…
Le jeu vidéo, une activité de garçon ? Il est temps que ce préjugé soit game over ! Lors d’une visite à Paris, Chris Capossela, EVP and Chief Marketing Officer de Microsoft, Morgane Falaize, présidente de l’association Women In Games (WIG) et Ina Gelbert, directrice de Xbox France ont exploré les solutions pour promouvoir la parité dans l’industrie vidéoludique.
Une étude, conduite en 2022 pour Xbox France, montre que 73% des femmes interrogées jouent aux jeux vidéo. Cela représente 19.1 millions de joueuses en France. Et pour 56% des répondantes, le jeu vidéo est une activité quotidienne. Lorsqu’on leur demande si les jeux vidéo sont avant tout faits pour les hommes, 61% des femmes interrogées s’opposent à cette affirmation et on comprend pourquoi ! Cette idée d’un milieu intrinsèquement hostile aux femmes est également battue en brèche du côté des créateurs de jeux. Toujours d’après l’étude pour Xbox, 83% des jeunes femmes considèrent les conditions de travail dans l’industrie du jeu vidéo comme attractives et une large majorité voit le secteur comme particulièrement dynamique en termes d’emploi (77%) et ouvert à la diversité (83%).
…mais c’est encore une industrie très masculine
Ina Gelbert, directrice de Xbox France, tempère ces chiffres très optimistes : « On a un problème de recrutement dans l’ensemble de la tech mais particulièrement dans le jeu vidéo où je vois peu de femmes postuler aux offres que nous publions ». En effet, seuls 22% des salariés des studios de jeux vidéo sont des salariées. Pour Morgane Falaize, la situation peut s’expliquer en partie par la représentation des personnages féminins dans les jeux qui aurait un impact sur l’envie des jeunes femmes de rejoindre l’industrie. L’association avait fait parler d’elle en publiant des vidéos intitulées Gender Swap. L’idée ? Les attitudes des protagonistes féminins des jeux étaient plaquées sur celles des héros masculins afin de souligner les clichés sexistes encore trop présents.
Batman roule des hanches, Solid Snake de Metal Gear se roule dans des flaques de pluie… Hilarantes et cruelles, ces vidéos avaient marqué les esprits : « Le but de WIG consiste à améliorer la représentativité des femmes dans l’industrie elle-même, au sein des studios de développement. Le problème apparaît moins important dans l’édition qui est une activité traditionnellement plus féminine » rappelle Morgane Falaize.
Au-delà des possibles clichés véhiculés dans certains jeux vidéo, les talents féminins sont encore trop peu à se tourner vers ce secteur ou celui de la tech dans leur phase de recherche d’opportunités professionnelles. Et pour celles qui s’y forment, ou s’y intéressent, elles s’orienteront davantage vers des métiers artisitiques, considérés comme plus féminins, délaissant le code ou le design à leur collaborateurs masculins.
Comment apporter plus de mixité dans les jeux vidéo ?
Les solutions pour plus de parité sont connues. Il faudrait d’abord encourager les femmes présentes dans l’industrie via du networking et des formations. Cela permettrait qu’elles ne se sentent plus isolées et puissent devenir des ambassadrices auprès des prochaines générations de développeuses. XBox a ainsi mis en place un programme de mentorat, auquel a participé Ina Gelbert, où une jeune employée peut se confier à une cadre senior, sa mentor, pour lui exposer ses problèmes et trouver des solutions.
Ensuite, il est indispensable de souligner la valeur ajoutée de la mixité des équipes. Si les jeux sont toujours développés par les mêmes profils de personnes, ils vont finir par tous se ressembler et ne parler qu’à une poignée de joueurs. Pour conquérir de nouveaux publics et donner une image de l’industrie du jeu vidéo plus inclusive, il faut donc accueillir plus de femmes et absolument se débarrasser du sexisme qui gangrène le milieu. Pour cela, les collaborateurs doivent se mettre à la place des personnes qui subissent l’exclusion ou le sexisme, et donc identifier les comportements problématiques. Dans cette perspective, Women In Games a édité un livret sur le sexisme dans l’industrie et les bonnes pratiques de recrutement en partenariat avec le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs. L’association a également publié une charte de l’égalité homme-femme très largement inspirée du travail effectué par le ministère de la Culture auprès des établissements de l’enseignement supérieur artistique et culturel. Enfin, le meilleur moyen d’attirer des talents féminins reste de montrer que les collaboratrices en place s’épanouissent dans leur travail. Ubisoft met ainsi en avant les femmes qui travaillent au studio sur son site tandis que WIG organise des sessions Twitch avec des VFX artists (qui développent des effet spéciaux dans le jeu pour donner plus d’atmosphère) ou des brand managers (chargées de faire connaître le titre en ligne et sur les réseaux sociaux) qui expliquent leur quotidiens pro et montrent bien qu’il y a de la place pour toutes. Plus mixte, le jeu vidéo sera vraiment plus beau.