Intelligence artificielle dans l’entreprise : par où commencer ?
L’intelligence artificielle a connu d’immenses progrès et est devenue un atout indéniable pour toutes les entreprises. Mais certaines hésitent encore à franchir le cap. Lionel Billon, Data & AI Solutions Sales Director chez Microsoft France, nous présente des usages simples et concrets de l’IA en entreprise et donne des conseils pour se lancer, ou aller encore plus loin.
Lionel Billon
AI Solutions Sales Director
L’intelligence artificielle se développe tellement vite (machine learning, deep learning, bots, réalité mixte…) qu’elle peut passer pour de la science-fiction. Certaines entreprises redoutent la complexité des technologies et de leur mise en œuvre, sans parler des coûts à investir dans des solutions et logiciels d’intelligence artificielle. Pourtant, les usages de l’IA se démocratisent proposant une gestion différente des problématiques qui se veut plus efficace, et il existe des applications très simples pour commencer. Et, dans tous les secteurs (commerce, finance, santé, agriculture, banque, médecine, industrie…), les bénéfices sont là : engagement personnalisé et proactif des clients, meilleure autonomie et travail collaboratif des employés, gain d’efficacité sur les processus, développement de nouveaux produits et services… En fait, l’IA propose des outils et logiciels qui renforcent les capacités de l’entreprise, à tous les niveaux.
Dans l’imaginaire collectif, l’IA relève parfois d’une technologie de laboratoire. Pourtant, nous sommes nombreux à déjà l’utiliser au quotidien. Comment l’IA est-elle infusée dans des solutions de bureautique comme PowerPoint, Outlook ou Excel ?
Lionel Billon : Depuis quelques années, de plus en plus de fonctionnalités IA viennent amplifier la productivité et l’efficacité des utilisateurs dans leur quotidien.
Dans le traitement des e‑mails, les algorithmes de machine learning sont utilisés pour filtrer les spams depuis longtemps déjà. Les innovations de l’IA ont ensuite été étendues à d’autres outils de bureautique et les systèmes de gestion. Dans Excel, la fonctionnalité Flash Fill a été lancée il y a quelques années : elle complète ou corrige automatiquement les champs (nom, prénom, adresse e‑mail…) après avoir analysé ceux qui étaient déjà remplis. Plus récente, grâce à l’analytique, la fonction Excel Insight ou son équivalent dans PowerBI analyse l’ensemble des données des onglets et tableaux et produit des statistiques en trouvant des corrélations entre les données et est capable de vous aider à trouver une explication à une augmentation ou une décroissance d’un chiffre d’affaire par exemple.
Dans Powerpoint, avec la nouvelle fonction design ideas, un assistant recommande à l’utilisateur différentes mises en forme à partir des éléments qu’il vient d’intégrer (texte, images…) ; il peut suggérer une simple réorganisation graphique ou la création d’une frise temporelle s’il détecte de nombreuses dates pour un meilleur résultat visuel. Un add-on de traduction automatique, développé au départ pour les discussions Skype, est également disponible dans Powerpoint : Microsoft Translator pour Powerpoint traduit automatiquement les slides, mais peut aussi traduire en direct les propos de l’intervenant grâce à la fonctionnalité de reconnaissance vocale – le public peut alors suivre la présentation sur son smartphone dans la langue de son choix.
Microsoft investit depuis plus de vingt ans dans l’IA et les usages se développent depuis plus de dix ans déjà. Ce n’est pas nouveau, mais au fil des années, les technologies s’affinent et les puissances de traitement, via le cloud notamment, permettent d’intégrer plus facilement ces pratiques à nos outils bureautiques et autres activités exercées sur ordinateur et internet. C’est le cas notamment dans l’utilisation des réseaux sociaux ou encore sur les services de vidéo à la demande où l’apprentissage automatique est intégré au coeur même de la stratégie de fidélisation.
Les solutions de collaboration (Teams, Yammer…) intègrent aussi de l’IA. En quoi l’IA transforme-t-elle notre façon de collaborer ?
L’intelligence artificielle permet de renforcer la productivité, mais aussi l’inclusion pour un meilleur suivi de projet point par point. Nous avons récemment annoncé comment depuis Teams, grâce à l’IA, il est possible d’organiser une réunion via un nouvel assistant, Cortana, qui gère notamment les agendas de façon automatique. Lorsque la réunion démarre, les personnes qui arrivent au fur et à mesure sont reconnues, puis les échanges sont enregistrés sous format documentaire. Teams se présente ainsi comme un bon outil, facile à utiliser sur ordinateur comme sur smartphone et capable de simplifier le travail d’équipe en minimisant les problèmes d’organisation.
L’IA facilite donc la préparation de la réunion, la mise en place et la prise de notes, dans différentes langues – tous les contenus sont ensuite indexés pour permettre d’effectuer des recherches sur les différentes réunions organisées. En termes d’inclusion, les personnes malentendantes ou qui parlent une autre langue peuvent suivre les échanges plus facilement.
La réalité mixte et la réalité augmentée couplées à de l’IA sont aussi de plus en plus utilisées pour le travail collaboratif. On emploie par exemple des représentations en réalité augmentée d’un bâtiment ou d’un projet pour échanger sur le sujet avec d’autres personnes, ou on illustre des problématiques de pannes ou d’autres sujets qui méritent un focus précis.
Au-delà de l’IA infusée dans les solutions logicielles, les entreprises commencent à créer leurs propres projets liés à l’IA. Quels bénéfices l’IA peut-elle leur apporter ?
L’intelligence artificielle est au cœur de la transformation numérique des entreprises. L’IA joue en effet un rôle sur les quatre piliers de cette transformation : comment engager ses clients de façon plus efficace, comment donner plus d’autonomie à ses collaborateurs, comment optimiser les process internes et comment développer de nouveaux produits ou services. De ce fait, nombreuses sont celles qui souhaitent développer un nouvel outil interne pouvant faciliter la récolte et le lecture des données, et détecter plus aisément d’éventuels problèmes et anomalies.
Concernant l’engagement des clients, Uber, par exemple, a développé aux États-Unis une application basée sur la reconnaissance des visages pour garantir l’identité de ses chauffeurs, car certains confiaient leur carte professionnelle à une autre personne. Lorsque le chauffeur monte en voiture, il fait un selfie avec son téléphone, il est reconnu comme un chauffeur habilité et la confirmation de son identité est envoyée au client.
Sur le volet autonomie des collaborateurs, chez Publicis, lorsqu’un nouveau projet est lancé, un assistant virtuel permet d’identifier et réunir les personnes les plus à même de travailler dessus avec succès. L’IA aide à identifier les bons profils et facilite la collaboration. Chez Microsoft, en interne, le machine learning permet aux équipes commerciales et financières d’avoir une vision plus fine de la prévision du chiffre d’affaires, de mois en mois, sur l’ensemble des lignes de produits avec l’aide de l’apprentissage automatique. La vision de terrain est toujours là, bien sûr, mais l’intelligence artificielle apporte une information complémentaire, en amplifiant l’ingéniosité humaine.
De façon générale, le travail des collaborateurs est facilité par la recherche augmentée, ou cognitive search, c’est-à-dire l’utilisation de l’IA pour examiner un grand nombre de documents techniques, juridiques ou commerciaux…et d’en extraire de l’information utile rapidement. L’IA extrait automatiquement les informations utiles de ces documents, analyse le contenu des images, trouve des corrélations entre les différents documents, rend la lecture des leurs données facile… Sans ce type de solution très efficace, le travail à réaliser serait très fastidieux.
Quant à l’optimisation des processus, de plus en plus d’industriels ont recours à l’IA pour effectuer de la maintenance préventive sur des chaînes de production couplée à de l’IOT (Internet des Objets). Pour améliorer la qualité, certains installent également des caméras dédiées qui détectent automatiquement les défauts dans les processus de fabrication grâce à l’analyse d’image (computer vision). Dans le cas précédent, la puissance de calcul du cloud est utilisé pour entrainer le modèle d’IA. Une fois le modèle d’IA entrainé, il peut être déployé directement sur le device (camera ou autre capteur) pour pouvoir fonctionner, même s’il est déconnecté du réseau : c’est ce que l’on appelle Edge Computing. L’IA peut aussi être utilisée pour optimiser des tâches récurrentes à l’aide d’approche de type Robot Process Automation (RPA).
Sur le dernier volet, la création de nouveaux produits ou services, nous pouvons citer l’exemple d’un cuisiniste en Europe qui propose à certains de ses clients de visualiser leur future cuisine grâce au casque de réalité mixte, Microsoft HoloLens. Les clients viennent en magasin avec des photos de cuisines ou d’ambiances qu’ils aiment. L’application IA analyse ensuite ces images sous tous les aspects (formes, matériaux, couleurs…), propose des modèles pensés pour le client et analyse ses remarques pour suggérer des modifications.
Autre cas : Rolls Royce, qui fabrique des moteurs d’avion, a décidé de proposer aux compagnies aériennes un service d’optimisation de carburant, en analysant les informations remontées via les capteurs placés sur les moteurs.
Enfin, aux États-Unis, une chaîne de vêtements en ligne fait des recommandations à ses clientes via l’analyse d’image sur les réseaux sociaux, notamment Instagram. L’application IA examine les posts publics Instagram des célébrités les plus suivies pour une tranche d’âge spécifique par exemple, observe leurs tenues vestimentaires et, grâce à l’analyse d’image ou computer vision, tente de trouver des tenues similaires dans la collection de la marque.
Quel est le stade de maturité des entreprises par rapport à l’IA ?
La maturité est différente selon les entreprises. La plupart ont pris conscience que la donnée est un atout et qu’en la couplant avec des algorithmes, il est possible d’obtenir des résultats très intéressants et ce beaucoup plus rapidement qu’il y a quelques années. Certaines se demandent encore comment utiliser l’IA dans le cadre de leur transformation numérique, et par quoi elles doivent démarrer. Nous sommes là avec l’aide de notre large eco-système de partenaires pour les aiguiller en les aidant à définir des idées simples et concrètes, directement applicables. Même en utilisant l’intelligence artificielle sur des sujets simples, les entreprises peuvent en tirer des bénéfices multiples (engagement, autonomie, efficacité…).
D’autres entreprises ont déjà une idée en tête, comme faire de la maintenance préventive, améliorer la connaissance de leurs clients, développer un moteur de recommandations plus poussé, analyser l’ensemble de leurs vidéos… Enfin, d’autres encore, plus avancées, sont dans une logique d’industrialisation : comment gérer toute l’innovation qu’implique l’IA et la réintégrer de façon naturelle dans l’ensemble du système d’information.
Certains secteurs sont plus demandeurs (industrie, retail, santé…), mais tous les secteurs sont concernés aujourd’hui. Nous voyons d’ailleurs aussi une demande grandissante des services publics et du secteur transport sur le sujet. Il est important de parvenir à intégrer l’IA dans la culture de l’entreprise, de l’organisation. Les entreprises qui tirent leur épingle du jeu sont celles qui prennent conscience au plus tôt de l’importance de la data, avant même de l’IA, et développent une vraie stratégie et une vraie culture autour de la data, à tous les échelons de l’organisation.
Du moment que la culture d’entreprise est insufflée à tous les niveaux, la disruption dans l’entreprise peut venir de partout : du top management au contributeur individuel.
Notre objectif est de rendre accessible l’innovation au plus grand nombre et de faciliter un véritable travail synergique pour toute l’organisation. Les utilisateurs business doivent pouvoir intégrer l’IA à leurs outils du quotidien, les développeurs prototyper rapidement une application qui rajoute des fonctions d’IA via des services Cognitifs (reconnaissance de texte, analyse d’images, ajout de bots…), les data scientists accélérer la création et la mise en production des algorithmes, les professionnels de l’infrastructure informatique intégrer toutes les innovations à l’ensemble du système d’information existant.
Quels sont les obstacles que vous rencontrez le plus souvent dans le cadre du déploiement d’un projet d’IA ?
La barrière à l’entrée technologique s’estompe, désormais la barrière à l’entrée est le le temps que certaines entreprises mettent à prendre conscience que l’IA est accessible à tous, selon son niveau et ses attentes, et que ce n’est pas de la science-fiction. Il convient de rappeler que nous ne sommes pas encore à l’IA de type 4 (c’est-à-dire une IA qui aurait conscience d’elle-même). A titre d’illustration, les IA les plus avancées aujourd’hui ont au maximum l’intelligence d’une souris. Quoi qu’il en soit même avec des IA très simples et spécifiques il est possible d’obtenir des résultats très utiles. Commencer par prendre connaissance de ce qu’il est possible de faire très simplement avec des solutions d’IA prêtes à l’emploi, comme les services cognitifs, est un bon moyen pour trouver des idées disruptives.
Une fois que la nécessité d’une culture autour de la data est intégrée, il faut également éviter un autre obstacle : un mauvais alignement entre les services business et informatique. Souvent, des sujets démarrent côté business ou du côté IT, mais il faut un vrai alignement entre les deux pour que cela fonctionne. La création d’une structure polymorphe aide souvent – une organisation transverse avec des personnes qui viennent de l’IT et du business pour avancer concrètement sur les sujets d’innovation. Et si le sujet a ensuite vocation à être industrialisé, l’entreprise pourra passer beaucoup plus facilement du prototype à l’industrialisation. Le cloud est d’ailleurs aussi un vecteur d’accélération sur la facilité de passage de prototype à l’industrialisation.
Par ailleurs, il existe une problématique de compétences. Microsoft a créé une école d’IA en France, ainsi que des formations gratuites en ligne qui permettent à tous les profils (développeurs, data scientists…), en fonction de leurs attentes et de leur niveau, d’apprendre à exploiter l’IA au mieux. Plus les personnes qui comprennent ce qu’est l’IA seront nombreuses, mieux elles l’utiliseront, et plus il y aura d’usages au quotidien ! Ce cercle vertueux se met en place doucement mais surement.
Questions Fréquentes
Comment utiliser l’intelligence artificielle en entreprise ?
Aujourd’hui l’intelligence artificielle se démocratise dans de nombreux secteurs (commerce, banque, finance, médecine etc.). Elle peut être utilisée dans les solutions bureautiques (PowerPoint, Excel, Outlook etc.) pour améliorer notre expérience de ces solutions.
Comment l’IA transforme notre façon de collaborer ?
L’intelligence artificielle peut permettre de gérer les agendas de tous les collaborateurs automatiquement. Elle facilite la préparation de réunions, la prise de notes et peut permettre d’inclure les personnes malentendantes ou parlant une autre langue.
Quels bénéfices peut apporter l’IA en entreprise ?
L’IA permet d’engager ses clients de manière plus efficace, d’offrir plus d’autonomie à ses collaborateurs, d’optimiser les process internes ou encore de développer de nouveaux produits ou services.