Trois livres pour mieux saisir les enjeux de l’intelligence artificielle
De nombreux romans de science-fiction l’avaient déjà imaginée sous diverses formes. L’intelligence artificielle est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Aussi, nous vous proposons dans cet article une sélection de trois livres sur l’intelligence artificielle. Ces publications vous permettront de mieux comprendre cette technologie qui remodèle déjà la société.
Avec Des Robots et des hommes, publié chez l’éditeur Plon, Laurence Devillers propose une fascinante déambulation dans l’univers de la robotique. L’étude de nos mythes fondateurs montre que la perspective de créer des êtres à son image a toujours fasciné l’homme. Un dualisme retrouvé dans les œuvres de fiction du XXe siècle, qui accordent une large place aux machines humanoïdes. Ceci parfois sous un jour plutôt positif (Asimov, Wall‑E), tantôt sous un angle dystopique (Matrix, Terminator…). Mais la robotique n’est pas seulement une source à laquelle vient s’abreuver notre imaginaire collectif. Elle nous amène également à repenser notre définition de l’humanité et de l’intelligence. Ainsi, la victoire de Deep Blue contre Kasparov remet en cause notre vision des échecs comme l’incarnation même de l’intelligence.
En retraçant l’histoire de l’intelligence artificielle, depuis la naissance de la discipline jusqu’aux récentes prouesses du logiciel AlphaGo, Laurence Devillers distingue la réalité des fantasmes, nourris par la place que l’IA occupait dans la fiction avant même de devenir une réalité. Aussi impressionnantes que soient les récentes avancées de la technologie, la chercheuse souligne combien intelligence artificielle et humaine diffèrent. Gérard Berry, informaticien, médaille d’or 2014 du CNRS indique dans l’une de ses citations : « L’homme est lent, peu rigoureux et très intuitif. L’ordinateur est super rapide, très rigoureux et complètement con. » Les craintes que la population soit entièrement mise au chômage par les robots sont donc, selon elle, largement exagérées. Les machines vont, en revanche, occuper une place croissante dans notre quotidien, sous la forme d’assistants personnalisés. Élaborer des règles éthiques pour se prémunir des dérives potentielles n’est donc pas une mauvaise idée.
Faut-il avoir peur des machines intelligentes ?
Dans Le Mythe de la Singularité, disponible aux éditions Seuil, Jean-Gabriel Ganascia s’empare quant à lui du marteau nietzschéen et s’attaque aux technoprophètes du transhumanisme. Il cible particulier l’une de leurs théories fétiches, la Singularité technologique, que le chercheur français compare à une nouvelle religion. Concept tiré d’un essai de l’auteur de science-fiction Vernor Vinge, publié en 1993, la Singularité désigne la date fatidique, située plus ou moins loin dans le futur, à laquelle l’intelligence artificielle surpassera l’intelligence humaine. Cette théorie a depuis été reprise par de nombreux entrepreneurs des nouvelles technologies et autres gourous de la Silicon Valley. Pour certains, comme Ray Kurzweil, il s’agira d’un évènement formidable, inaugurant le règne d’un homme-machine doté de superpouvoirs. Pour d’autres, comme Elon Musk ou Stephen Hawking, l’avènement de machines supérieurement intelligentes ferait peser une menace existentielle sur l’humanité.
Avec une érudition doublée d’une réjouissante alacrité, qui font de son ouvrage un vrai plaisir de lecture, Jean-Gabriel Ganascia commence par déconstruire ce qu’il considère comme un mythe, fondé davantage sur la croyance que sur des arguments rationnels. Selon lui, les récentes avancées de l’intelligence artificielle, aussi impressionnantes soient-elles, ne permettent nullement de conclure à une future suprématie de l’IA. Pour le chercheur français, le mythe de la Singularité n’est qu’un épouvantail, un voile de Maya brandit par les grandes entreprises technologiques américaines. Et ce dans un double objectif : d’une part, présenter le progrès technologique comme inéluctable, et ne pouvant être régulé que par les grandes entreprises du numérique elles-mêmes. D’autre part, détourner l’attention du pouvoir croissant que détiennent ces entreprises, qui concurrencent de plus en plus les états.
Les algorithmes décortiqués
À la source de l’intelligence artificielle, on trouve les algorithmes, des séquences d’instructions que l’on utilise pour résoudre un problème. Ils sont écrits le plus souvent dans le langage de programmation Python. Les algorithmes sont utilisés dans les différents champs d’étude de l’IA. Citons notamment le machine learning et ses dérivés tel que le deep learning (aussi appelé apprentissage profond, le deep learning se base sur une architecture semblable à un réseau de couches de neurones artificiels). Si le mot « algorithme » est aujourd’hui connu du grand public, 52% des Français ne savent pas précisément de quoi il s’agit. La lecture de Le Temps des algorithmes co-écrit par deux chercheurs, Gilles Dowek et Serge Abiteboul, leur permettra certainement d’y voir un peu plus clair. Avec cet ouvrage pédagogique, les auteurs entendent d’abord démystifier la notion d’algorithme. En effet, la recette du pain, comme l’expliquent les deux chercheurs, est un algorithme, dans la mesure où elle permet de résoudre un problème sans avoir besoin d’inventer une solution à chaque fois. Si les algorithmes sont un vieux concept, leur usage par les ordinateurs, lui, ne l’est pas.
Les deux chercheurs expliquent le fonctionnement des algorithmes, ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire. Ensuite, ils étudient les transformations profondes et les disruptions que leur usage entraîne aujourd’hui dans la société et dans le monde. Ils offrent ainsi un aperçu exhaustif et subtil des différents domaines qui sont en passe de connaître des transformations majeures. Chaque fois, ils prennent soin de souligner les opportunités et menaces qu’entraîne l’usage des algorithmes. Se pose ainsi la question de la responsabilité de ces derniers, de leur éthique et de leur transparence.
L’ouvrage finit, rejoignant les travaux de Laurence Devillers, par interroger l’humanité au miroir de l’intelligence artificielle et des algorithmes. Ceci en montrant, là encore, comment ils peuvent permettre le meilleur comme le pire en servant l’homme augmenté. Car telle est la grande leçon du livre : neutres en apparence, les algorithmes ne sont en réalité que ce qu’en font leurs créateurs. Derrière les mathématiques, ce sont les hommes qui sont aux commandes et portent la responsabilité de leur usage.
Notre sélection ne comporte que trois livres, ce qui est bien peu au regard de l’immense production sur ce sujet. Beaucoup d’ouvrages que nous n’avons pas cités proposent des approches pédagogiques, concrètes, ou plus spécifiques et théoriques. Parmi les nombreuses parutions sur le sujet de l’intelligence artificielle, nous pouvons notamment mentionner le livre d’Aurélien Vannieuwenhuyze, Intelligence artificielle vulgarisée, mais aussi L’intelligence artificielle expliquée à mon boss, de Pierre Blanc.