Traçabilité alimentaire : comment la blockchain contribue à restaurer la confiance
Alors que la confiance des consommateurs dans les filières agro-alimentaires s’érode, les acteurs du monde agricole exploitent le potentiel du numérique pour contribuer à la restaurer. Aujourd’hui, ils s’emparent de la blockchain pour garantir la traçabilité des aliments.
En matière de produits alimentaires, les citoyens français sont devenus beaucoup plus attentifs et exigeants. En effet, la répétition de scandales qui ont éclatés ces dernières années leur ont fait perdre confiance dans les chaînes d’approvisionnement. 66 % disent être « inquiets » quant à leur sécurité alimentaire, selon un sondage de Kanpar Worldpanel. Et seulement 28 % des Français font encore confiance aux marques !
De fait, l’authenticité des produits et la véracité des informations affichées sur les emballages deviennent des valeurs cardinales au moment de l’achat. Et renforcer la traçabilité des aliments et la transparence des circuits, une priorité pour les acteurs du secteur alimentaire. Pour y parvenir, ils déploient des solutions destinées à restaurer la relation entre producteurs, distributeurs et consommateurs.
L’agritech, qui fait notamment appel aux capteurs connectés et à l’intelligence artificielle, joue ici un rôle essentiel. Elle permet de renforcer la sécurité alimentaire et dénouer les tensions entre les parties prenantes ! La blockchain s’associe à ces nombreuses technologies émergentes pour garantir une traçabilité de bout en bout.
> Rendre les données infalsifiables avec la blockchain
> Une technologie qui s’appuie sur le cloud…
> … et se nourrit grâce à l’IoT
> La blockchain s’associe à l’IA pour prendre de meilleures décisions
> En bout de chaîne, QR codes et interfaces mobiles pour informer les consommateurs
Rendre les données infalsifiables avec la blockchain
Souvent associée au Bitcoin, la technologie blockchain est en réalité bien plus qu’un réseau décentralisé dédié aux cryptomonnaies. Ce type de bases de données contient l’ensemble des transactions ou échanges d’informations effectués depuis sa création. Elles permettent à chaque acteur de vérifier leur validité et leur véracité a posteriori. Le registre virtuel crypte les données et la même transaction est exécutée successivement sur tous les nœuds des membres du réseau. Cela donne lieu à une distribution des informations 100% transparente, fluide et infalsifiable.
La blockchain est donc une solution idéale pour répondre aux attentes en matière de sécurité alimentaire. L’ensemble des acteurs (agriculteurs, grossistes, transporteurs, et distributeurs) d’une chaîne d’approvisionnement peuvent y placer les données d’un lot de fabrication. Chacun y apporte une partie des informations, pour mieux les partager entre eux. Un système simple et pratique pour certifier et vérifier la traçabilité des aliments à moindre coût. Et ce à chaque étape depuis le producteur initial jusqu’au lieu de vente.
Sur la blockchain, les données sont immuables et partagées, donc vérifiables a posteriori.
Blockchains à permission
En partenariat avec le CEA, la start-up Connecting Food conçoit, par exemple, des blockchains à permission. Seuls les membres d’un groupe précis d’entreprises peuvent les utiliser. Acteurs d’une même filière alimentaire, généralement sensible (porc, volaille, oeufs, produits laitiers…), ils travaillent avec les mêmes blockchains à permission. Ils les utilisent pour stocker et sécuriser les empreintes numériques relatives aux produits. Cette solution permet de tracer un produit depuis la ferme jusqu’au consommateur final. La marque ou le distributeur client de la start-up peut vérifier à chaque étape du parcours du produit qu’il respecte bien le cahier des charges qu’elle a fixé. Elle peut aussi dévoiler au client final les différentes étapes qu’a suivi le produit qu’il consomme grâce à leur outil LiveScan.
Concrètement, la solution capte des informations en temps réel tout au long du circuit et les compare automatiquement aux critères du cahier des charges. En cas de problème, Connecting Food alerte ses clients, qui peuvent alors intervenir immédiatement. Cette solution évite ainsi de retirer un produit déjà en rayon et permet de le ré-orienter éventuellement vers des filières moins exigeantes. Un gain de temps et d’argent. Détecter les dysfonctionnements au plus tôt est donc un enjeu majeur. Cette technologie permet d’auditer chaque produit, ce qui n’est pas le cas avec le système classique qui ne contrôle que certains lots. De plus, à chaque envoie de données, un fonds dédié rémunère les agriculteurs.
Tilkal a conçu une solution similaire, mise en place par plusieurs distributeurs français, dont le groupe Casino. Cette dernière associe big data et blockchain pour assurer la traçabilité des produits dans l’ensemble d’une filière.
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Une technologie qui s’appuie sur le cloud…
Les données sécurisées par la blockchain sont stockées sur une plateforme cloud. Celle-ci donne aux partenaires d’une filière alimentaire un accès en temps réel aux informations de traçabilité. Et ce à tout instant et à tout endroit. Une technologie indispensable pour les distributeurs d’envergure nationale qui gèrent des masses considérables d’informations de traçabilité. Le cloud leur permet en effet d’entreposer la base de données d’une chaîne d’approvisionnement sur un seul outil et d’y avoir accès facilement.
En partageant une même plateforme cloud, les différents acteurs de la filière mutualisent les coûts de mise en œuvre de la blockchain.
C’est pourquoi des entreprises concurrentes n’hésitent pas à rejoindre de vastes consortiums. Ce type de partenariat leur permet d’effectuer des analyses de grande ampleur sur des ensembles de données agrégées. Inversement, chaque entreprise a la possibilité de développer sa propre blockchain sur son propre cloud, si c’est son souhait.
Enfin, grâce au cloud, tous les détails d’un profil produit sont consultables par les consommateurs. C’est le choix fait notamment par le groupe Mars, qui met en œuvre une solution de transparence basée sur les services Azure Blockchain. Il permet ainsi à ses clients de vérifier l’origine de ses produits et la manière dont ils ont été traités et transportés.
De son côté, Schneider Electric travaille étroitement avec Microsoft pour assurer le contrôle des produits sur l’ensemble d’une chaîne de production. Le premier apporte sa fine connaissance du domaine agro-alimentaire et le second son expertise dans le cloud et la blockchain !
Pour ce type de données sensibles, la sécurité et la fiabilité sont indispensables. Le cloud Azure offre de nombreuses garanties en la matière.
…et se nourrit des données collectées grâce à l’IoT
En captant les données pour les transmettre via différents types de réseaux, l’IoT permet de faire le lien entre le monde physique et le monde numérique. Aujourd’hui, les objets connectés peuvent collecter et transférer automatiquement des informations vers les plateformes cloud / blockchain. Il peut s’agir de capteurs placés sur les lieux de production, les bâtiments de stockage, ainsi que les véhicules de transport. Ces outils sont ainsi capables d’auditer des variables telles que la température des animaux dans les lieux d’élevage (Copeeks) ou dans un camion frigorifique. Ils peuvent également détecter le taux d’humidité dans des silos (Javelot). Une avancée primordiale qui fait gagner du temps à tous. En effet, sans cette technologie, un inspecteur devrait se rendre tous les trois mois sur place pour vérifier la température. C’est désormais un thermomètre connecté, certifié par les différents membres du consortium, qui la relève en temps réel.
La blockchain simplifie ainsi les processus métier.
Au niveau technique, les données issues des capteurs IoT sont transmises vers la blockchain via des réseaux LPWAN, de type Sigfox ou LoRa. Mais également par les réseaux cellulaires 3G/4G. Dans les zones non couvertes, il est aussi possible de recourir aux espaces blancs inutilisés de la télévision (TV Whitespace).
Ces informations sont ensuite traitées et rendues accessibles aux destinataires autorisés depuis un tableau de bord (Ripe). De quoi analyser en un clin d’œil les aliments et lancer rapidement une investigation en cas d’informations contradictoires. Sur le marché de la chaîne du froid (Koovea), des alertes pré-programmées peuvent même être lancées via les capteurs IoT. Cela est très utile en cas de dépassement de la température recommandée par exemple.
Néanmoins, certains agriculteurs seront peut-être réticents à l’idée d’investir dans une série de capteurs, pour des raisons de budget. Ce n’est pas un défi insurmontable.
Une alternative peut être trouvée, grâce à l’envoi d’informations depuis une application smartphone. En effet, une photo ou vidéo de l’exploitation peut suffire dans certains cas à fournir des informations très pertinentes. Démontrer que des poules sont bien élevées en plein air ou qu’un champ est cultivé en mode agroforesterie par exemple. L’image doit bien sûr être géolocalisée et horodatée ! Ce qui ne pose aucun problème avec les téléphones équipés d’un GPS. Pour des données plus précises et spécifiques, l’équipement de l’exploitation en capteurs devient en revanche indispensable.
La blockchain s’associe à l’IA pour prendre de meilleures décisions
À partir des données de traçabilité disponibles grâce à la blockchain, l’intelligence artificielle est un atout pour sécuriser les filières alimentaires. Elle aide les grossistes, transporteurs ou distributeurs à détecter des failles éventuelles dans la chaîne d’approvisionnement. Mais également à déterminer la source d’une contamination. La réactivité est cruciale dans la gestion de crise. L’analyse est réalisée off-chain, c’est-à-dire à l’extérieur de la blockchain. Mais des mécanismes permettent de vérifier que l’intégrité des données a été préservée. Tout gain de temps réalisé dans la détection des menaces et l’anticipation d’une crise alimentaire est un avantage certain !
À ce titre, la société suisse Bühler a développé LumoVision avec l’aide des technologies cloud et IoT de Microsoft. Cet outil améliore le tri et le nettoyage des aliments. Son système optique dernier cri est capable d’éliminer jusqu’à 90 % des grains contaminés. Les machines traditionnelles, elles, n’en repèrent que la moitié. Son service digital Safefood participe quant à lui à l’amélioration de la sécurité alimentaire. Pour cela, il lance des alertes précoces à partir des bases de données officielles.
Sur un sujet connexe, les algorithmes d’apprentissage automatique sont programmables afin de prédire la consommation de produits en fonction de divers critères. Ces derniers peuvent être des périodes, la température, ou encore des tendances sur les réseaux sociaux. L’amélioration de la gestion logistique qui en découle réduit le nombre de lots en surplus. Et atténue ainsi le gaspillage alimentaire !
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En bout de chaîne, QR Codes et interfaces mobiles pour informer les consommateurs
Il est primordial d’informer les consommateurs pour restaurer leur confiance dans la chaîne d’approvisionnement. En plaçant des QR Codes (Arc-Net) ou des étiquettes RFID (Provenance) sur les emballages alimentaires, tout acheteur peut découvrir l’origine des produits et leur historique complet. Et ce, à partir des informations protégées par la blockchain et stockées sur le cloud. La lecture des informations se fait à partir d’un terminal mobile fourni par le distributeur, ou mieux encore à l’aide du smartphone du client et d’une simple application mobile !
Les équipes du distributeur peuvent également avoir accès à toutes les informations utiles à la commercialisation. Comme le lieu de production des aliments, le type d’élevage ou de pêche, la méthode d’élevage ou d’abattage, les dates d’expiration à respecter… Et au passage vérifier que le logo ou les informations apposés sur le produit alimentaire correspondent bien à la réalité !
Parmi les entreprises à la pointe du domaine, on peut citer le cas de Carrefour qui a décidé de déployer ces solutions innovantes (Blockchain + QR Codes) sur plusieurs produits. L’objectif : appliquer ces deux technologies à l’ensemble de ses filières qualité d’ici 2022.