Agroalimentaire et IoT : la traçabilité de la ferme à la fourchette
Des chaînes d’approvisionnement complexes et des intervenants aux systèmes hétérogènes : la logistique de l’industrie agroalimentaire est un défi pour l’Internet des Objets. Plus de transparence pour les agriculteurs, les industriels, les transporteurs, les distributeurs et même les clients, les objets connectés cherchent à garantir une traçabilité « de la ferme à la fourchette ».
L’industrie agro-alimentaire a un os : rappeler un produit en cas de contamination équivaut à un impact économique potentiel de plusieurs millions d’euro.
Blockchain et smart contracts
Une transparence « from farm to fork » to end ». Ou en français, « du champ à la fourchette », aime à dire Benjamin Jude. « Les objets connectés permettent d’acquérir des données qui n’étaient pas ou difficilement accessibles auparavant », expose-t-il. Dorénavant, on peut tracer un aliment depuis ses premières pousses. Ainsi à la ferme, l’agriculteur aura peut-être installé un capteur d’humidité pour s’assurer des bonnes conditions de croissance. Puis il y aura un capteur de niveau dans le silo à grains, un capteur de température dans le tank à lait…
Ces matières premières seront ensuite traitées dans des usines où des systèmes automatiques pilotent les recettes de fabrication, déroule l’architecte de solutions. Enfin, une fois les aliments préparés, ils partiront dans des camions où la géolocalisation et la température seront monitorées pour s’assurer du respect de la chaîne du froid.
Une chaîne d’approvisionnement complexe qui fait intervenir une multitude d’acteurs et donc des systèmes hétérogènes. Schneider Electric et Microsoft complètent l’utilisation des technologies IoT par celles de la blockchain, pour « augmenter la confiance entre les partenaires », explique Arnaud Fontaine, spécialiste de l’IoT chez Microsoft. Une confiance qui permet également une gestion des incidents en temps réel. Ainsi par exemple, avec des smart contracts basé sur la blockchain, il est possible d’établir des règles en fonction des déviances, propose Benjamin Jude. Prenez l’exemple d’un yaourt. « Le transporteur pourrait recevoir une alerte pour ne pas livrer son produit chez le distributeur parce que son camion a été contrôlé comme ne respectant pas la température requises pour le maintien de la chaine du froid. Au même moment, le distributeur est averti que le produit ne sera pas livré et l’industriel peut préparer une nouvelle commande. »
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Passeport électronique
L’enjeu pour les industriels et les distributeurs est de créer un passeport électronique qui correspond aux données relevées par les capteurs. « Certaines de ces pages sont relativement complexes, présente l’architecte de solution. Quand on arrive au niveau de l’usine, on a une quantité massive de données à enregistrer. Au fur et à mesure de la constitution de ce produit, on enregistre. À la fin, on peut partager un certain nombre de ces données en crypté, potentiellement dans une blockchain, avec un consommateur, un service qualité, nos partenaires. »
Concrètement, ce passeport sera donc essentiel en cas de rappel de produit mais aussi très utile pour faire connaître le trajet de ces aliments à des consommateurs de plus en plus friands de transparence. Ainsi par exemple, la très populaire application française Yuka propose de connaître un éventail d’informations simplement en scannant le produit : des informations éthiques liées à la protection animale ou au respect de l’agriculture durable, par exemple. « Il faut construire le passeport digital en conséquence et rendre disponibles ces informations sur des appareils mobiles comme les portables et les tablettes », explique Arnaud Fontaine. Il faut aussi rester agile pour intégrer de nouveaux flux de données rapidement.
Le corollaire de la collecte et du stockage massif de ces données est bien sûr leur sécurité. Ainsi, il faudra s’assurer de contrôler les accès, chiffrer les échanges, authentifier et garantir que la donnée provient d’un environnement légitime, détaille le spécialiste IoT de Microsoft. Il faudra également s’assurer de leur fiabilité. « Envoyer une température au-dessus d’une limite peut avoir des conséquences financières importantes, explique M. Fontaine. Lorsque l’on multiplie cet événement à l’échelle d’un transporteur international, cela peut représenter plusieurs millions d’euros en une seule journée d’activité. »
La traçabilité des processus permet également de les rendre plus efficaces… et réduire leurs impacts environnementaux. « Dans une usine agro-alimentaire, il faut beaucoup laver et on utilise beaucoup d’eau et de produits chimiques. La traçabilité nous engage à travailler sur ces aspects-là. » Gagnant-gagnant sur toute la ligne.