Comment la continuité numérique façonne l’industrie 4.0
Elle est au cœur de la discussion industrielle, quels que soient les secteurs : la continuité numérique, ou comment les données peuvent permettre de rendre l’industrie plus flexible, plus fiable, plus collaborative et opérationnelle à distance. Tour d’horizon.
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Une industrie plus flexible
« Un des besoins majeurs de l’industrie est le besoin de flexibilité », partage Olivier Helterlin, PDG de PTC France, un éditeur de logiciel américain et basé en France depuis 30 ans, spécialiste dans l’ingénierie, la conception assistée par ordinateur et de la gestion de données des produits, qui a opéré depuis 7 ans un tournant dans l’Internet des objets (IoT) et la réalité augmentée (RA).
La crise aura été un révélateur particulièrement efficace. Jusqu’ici, le modèle était des sites dont la finalité était déterminée pour les 20 ans à venir ; une forte mondialisation de la production ; des tâches industrielles déléguées dans des pays à la main d’œuvre à moindre coûts. Tout cela a été bouleversé, remarque Olivier Helterlin. « Aujourd’hui, on se pose la question de la relocalisation », souligne le PDG. Surtout, les lignes de production ont besoin de plus de souplesse. « Nous avons besoin de flexibilité dans le paramétrage des machines, détaille-t-il. Dans un an, si je décide d’ajouter une ligne de production ou de changer la finalité d’un certain nombre de machines de production pour faire autre chose, je peux. » Une redirection industrielle déjà mise à l’œuvre pendant la crise. Ainsi, des fabricants de systèmes de ventilation pour les malades du Covid-19 ont réassigné un certain nombre de leurs sites, destinés à de tout autres produits, pour la fabrication de respirateurs artificiels. Plus radical encore, on a vu certains fabricants de voitures mettre leurs outils de productions – et leurs ingénieurs – au service de la fabrication de ces appareils médicaux de haute technologie.
En quoi l’IoT sera utile à cette flexibilité des lignes de production ? « Quand on fait des changements d’organisation sur un site, les choses ne peuvent pas être aussi sécurisées que si elles étaient restées figées pendant 10 ans, indique le PDG. L’IoT permet de piloter à distance, de relever les pannes, de mesurer la stabilité et la qualité du site et ainsi d’assurer la sécurité des personnes sur les sites industriels. »
Une industrie plus connectée
Bertrand Felix le confie lui-même : il est fan de science-fiction. De sa boulimie de littérature d’anticipation lui vient une certitude : « La capacité de l’objet à capter de la donnée sera au service de l’interaction avec l’être humain. » Une vision qui colle bien avec sa mission. Bertrand Felix est co-fondateur de La Ruche Industrielle, une association qui réunit une quinzaine d’entreprises (dont Bosch, Grand Lyon, Volvo, Seb etc.) pour résoudre des cas d’usages industriels. Un « collectif soudé » pour « piloter des projets que l’on résout à plusieurs en menant des projets inter-industriels en mutualisation de moyens », avec une application concrète en ligne de mire. « On ne cherche pas la proof of concept mais le déploiement en usine. »
« Pour moi, la continuité numérique est la colonne vertébrale, le sujet pierre blanche de l’industrie 4.0, assène le co-fondateur. Et cela passe par la continuité entre les différents métiers. » De sa vision transversale de l’industrie, il illustre son propos : « Prenez un bureau d’étude, un bureau des méthodes puis la production. Ce sont trois métiers, trois finalités et la donnée doit voyager entre ces différents secteurs. D’abord pour concevoir le produit, ensuite pour décrire les opérations ou gammes de montage et enfin pour opérer ce fameux montage. »
Selon lui, une bonne data doit présenter trois caractéristiques. Elle doit être :
- Entière pour éviter les erreurs ;
- Ajustable si le produit doit évoluer ;
- Gérée de manière assez automatique tout en gardant l’opérateur au centre pour pouvoir interpréter les données.
Fini donc les silos de données. Pour une continuité numérique, il faut compter sur la continuité de la donnée au travers des différents départements de l’entreprise, acquiesce Olivier Helterlin.
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Une industrie plus fiable
C’est l’un des avantages majeurs de l’industrie 4.0 et ses systèmes de productions connectés : une meilleure visibilité sur l’ensemble de la chaîne grâce à la captation des signaux, y compris faibles, en temps réel. Les industriels peuvent ainsi repérer en amont les dysfonctionnements éventuels et effectuer une maintenance préventive. « On a vraiment fait un virage de l’obsolescence programmée vers l’allongement de la durée de vie des produits, se félicite Olivier Helterlin. Avoir des produits connectés et un feedback en temps réel simplifie l’accès à l’information sur la vie de ces produits. Cela permet d’anticiper les pannes, anticiper la maintenance des produits et améliorer leur durée de vie. »
Un cercle vertueux qui agit jusqu’en amont de la fabrication, souligne Bertrand Felix. « On peut récupérer les causes de pannes chez les clients et faire remonter l’information pour que les bureaux d’études améliorent leurs produits. Cette boucle de données est absolument vitale pour les industriels et les entreprises. »
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Une industrie plus mobile
Voilà une leçon que nous avons tous tirée de la crise sanitaire, des patrons industriels aux citoyens du monde entier : éviter les déplacements est parfois nécessaire. l’IoT prend ici tout son sens puisqu’il permet de piloter à distance les différents sites d’une unité industrielle, notamment en rendant la donnée accessible sur le cloud.
Une mission de contrôle effectuée à distance qui laisse la place libre à des missions de contact lorsque les employés sont présents sur le site. « Si on se déplace, c’est pour faire du management, voir les personnes, les guider dans un plan stratégique, estime Olivier Helterlin. Les missions de « relevé de compteurs » peuvent être automatisées. » L’IoT au service de l’humain, encore.