Jumeaux numériques en industrie : cas pratique
En près de 20 ans, le jumeau numérique est passé d’un outil de modélisation en temps réel à un levier de pilotage stratégique de réseaux ou de supply chain. Zoom sur le concept de jumeau numérique simulable, ou la scénarisation des futurs possibles pour l’industrie 4.0.
La preuve par deux
Dans l’industrie, on ne parle plus que de ça : le jumeau numérique (JN), un double digital des actifs ou des processus de l’entreprise. « Au départ, c’est un objet physique, comme un moteur d’avion, sur lequel on met des capteurs, explique Michel Morvan, PDG de Cosmo Tech, un éditeur logiciel spécialisé dans le déploiement de jumeaux numériques simulables (JNS) à 360 degrés. Ainsi, nous sommes capables d’avoir une réplique en temps réel de l’état de ce moteur pendant que l’avion vole. »
Voilà pour le concept de base. Depuis, l’utilisation du jumeau numérique en industrie s’est beaucoup développée, déroule le PDG. « Désormais, on fait ça avec un ensemble d’objets comme l’avion, la carlingue. Surtout, on fait ça avec un système entier. Par exemple, un grand réseau électrique, une supply chain, dans laquelle on va prendre en compte les objets physiques mais aussi les processus, les personnes qui travaillent sur ces objets et toutes les interactions qu’il peut y avoir avec ces actifs.»
Ajoutez la simulation au jumeau numérique et vous obtenez un JN « capable de se projeter et de déterminer ce qu’il va se passer si on fait telle ou telle action ». En effet, « le JNS intègre toutes les interactions des différentes parties, enchaîne Michel Morvan. Cela permet de connaître l’état actuel du système mais aussi de simuler et de vous projeter dans le temps. En prenant en compte par exemple le vieillissement des actifs, les départs à la retraite… vous pouvez tester différentes hypothèses ». En bref, assène le PDG, « vous gagnez de la visibilité ».
Cas pratique de jumeau numérique en industrie : la plus grande machine du monde
Pour mieux illustrer le concept, prenons un exemple grandeur nature. Olivier Pinto est directeur de l’innovation en charge du digital de Nexans, une entreprise leader des câbles et systèmes, née il y a plus de 120 ans et implantée dans une quarantaine de pays avec 80 usines et 26 000 personnes. L’entreprise est au service d’un grand nombre d’industries comme celles de l’automobile, l’aéronautique, l’énergie, le bâtiment ou encore les infrastructures télécoms. Engagée dans la transition énergétique et écologique, elle opère aujourd’hui deux virages stratégiques majeurs :
- L’entreprise se concentre sur les métiers de l’électrification qui permettent de générer de l’énergie électrique décarbonée et renouvelable et qui assure son transport et sa distribution. Ainsi, les clients de Nexans sont « des opérateurs de réseaux d’énergie, des grands opérateurs d’infrastructures, de câbles, de pylônes, de transformateurs, de disjoncteurs », énumère Olivier Pinto.
- L’entreprise souhaite opérer une montée dans la chaîne de valeur afin d’offrir à ses clients des services et solutions digitales pour résoudre les problèmes majeurs centrés sur leurs usages. Des solutions qui passent notamment par la mise en place d’un JN et par la capacité de Nexans, en collaboration avec Cosmo Tech, de créer un réseau virtuel et de pouvoir réaliser des scénarios de simulations et d’optimisation.
Un défi de taille. « On appelle le réseau électrique américain la plus grande machine du monde, fait savoir Pinto. Il est grand par sa taille, puisqu’il a la taille d’un continent. Mais il est aussi important par la complexité des actifs qui le compose, leur diversité. Aider nos clients à mieux comprendre cette infrastructure est clé ». S’appuyer sur la technologie de jumeau numérique en industrie s’avère essentiel pour répondre aux défis de demain.
Effet de cascade et interconnexions
Les opérateurs des grands réseaux électriques ont en effet des problèmes très difficiles à résoudre. « Cela peut être : quand dois-je remplacer mes équipements ? Quand faire de la maintenance ? », illustre Michel Morvan. La complexité de ces décisions vient notamment du fait que celles-ci ont des effets en cascade. « On touche à droite, ça impacte à gauche. Ces impacts peuvent coûter très chers mais ils impliquent également des questions de sécurité. »
Si ces nouveaux outils de JNS deviennent indispensables, c’est qu’au fur et à mesure des avancées technologiques, cette complexité augmente : « La complexité vient des interconnexions entre les différents systèmes, entre les différentes actions, processus, parties prenantes, souligne Michel Morvan. Toutes les technologies de l’information n’ont fait qu’augmenter ces interconnexions. On est de plus en plus connectés, les machines sont de plus en plus interconnectées. » Non seulement ces outils numériques permettent de gérer cette complexité, mais ils permettent d’en extraire de la valeur, se réjouit le PDG.
Usages possibles du jumeau numérique en industrie
Ainsi, le JN « peut être utilisé partout où on a besoin de visibilité, où il est important de se projeter mais compliqué dû à ces effets en cascades. » Autre domaine clé où le jumeau numérique est particulièrement utile : la supply chain, dit-il. « C’est un domaine où vous devez vous adapter à une demande très volatile et où vous avez des incertitudes sur les capacités de production. » Avoir la capacité de faire des hypothèses devient alors un atout de taille.
Pour les clients de Nexans, « allier jumeaux numériques et industrie a été une révélation », se félicite Olivier Pinto. « Avant, on ne savait pas forcément comment répondre aux problématiques de nos clients avec nos outils. Nous n’avions pas de solutions. Les outils de JN et JNS nous ont permis de pouvoir enfin donner des éléments de réponses à nos clients. » Michel Morvan acquiesce : « Avant, les gens prenaient des décisions au doigt mouillé ». Le JN, fait-il l’analogie, agit comme les phares d’une voiture : il permet à ses utilisateurs d’avoir de la visibilité sur ce qui vient. La décision finale, elle, revient à l’humain. « C’est un outil de plus pour les experts ». Des outils utiles pour renforcer la trajectoire vers une industrie 4.0.
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