4 innovations de ruptures qui vont façonner l’informatique du futur

Temps de lecture : 7 minutes

Des promesses de l’informatique quantique au stockage sur verre ou dans l’ADN de synthèse… De nouvelles innovations laissent entrevoir de formidables avancées technologiques dans un futur très proche. Passage en revue des plus prometteuses avec Bernard Ourghanlian, CTO de Microsoft France.

Microsoft travaille aujourd’hui sur d’importantes innovations qui vont redessiner le futur du calcul, du stockage et des réseaux informatiques. Autrement dit, les bases de l’informatique telle que nous la connaissons depuis 70 ans. C’est donc dans une toute nouvelle ère de l’informatique que nous devrions basculer ces prochaines années. Attachez-vos ceintures ! 

L’informatique quantique

Comment ça marche ?

L’ordinateur quantique utilise la superposition, un effet quantique de la matière où un composant élémentaire (électron, photon…) peut être dans une infinité de positions à la fois. Cette superposition est une rupture par rapport au fonctionnement des ordinateurs classiques, dont les circuits électroniques ne peuvent être que dans 2 états, caractérisés par des bits : 0 ou 1 (éteint ou allumé).

Avec le quantique, on pourrait avoir des états simultanés que l’on pourrait ensuite traduire de manière algorithmique pour faire des calculs en parallèle. L’intérêt de l’informatique quantique est de réussir à accélérer de manière vertigineuse le temps de calcul et les capacités de traitement”, explique Bernard Ourghanlian, CTO de Microsoft France. En mobilisant le parallélisme des états de la matière, l’informatique quantique ouvre la voie à une puissance de calcul inédite. Et pourrait traiter des problèmes aujourd’hui impossibles à résoudre.

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Qu’est-ce que ça va changer ?

L’informatique quantique permettrait de reproduire des réactions chimiques observées dans la nature. Par exemple, créer un procédé qui s’inspire de la photosynthèse pour capturer l’oxyde de carbone présent dans l’atmosphère. “Si on pouvait peindre l’ensemble des immeubles d’une ville avec un revêtement capable d’absorber en temps réel l’oxyde de carbone, on éliminerait le CO2 de l’atmosphère et on serait en situation de maîtriser les gaz à effet de serre, leur impact sur la pollution et le réchauffement climatique, se réjouit Bernard Ourghanlian. On peut imaginer plein d’autres solutions comme par exemple placer des petits dispositifs en sortie de réacteur des avions ou des pots d’échappement des voitures.”

De même, l’informatique quantique pourrait permettre de reproduire le procédé chimique qui transforme les déchets végétaux mis au compostage en engrais. De quoi remplacer les procédés de fabrication des engrais actuels, chers et énergivores. Ou encore avoir divers impacts pour la médecine (médecine de précision, personnalisée) et l’industrie (en créant de corps nouveaux aux caractéristiques techniques inédites, comme par exemple un corps extrêmement résistant tout en étant extrêmement léger…). “Je ne sais pas combien de temps ça prendra, ni combien d’argent cela coûtera. Mais la fenêtre du rêve peut s’ouvrir.”

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Où en sommes-nous ?

C’est la grande inconnue de l’histoire ! Alors que les premiers ordinateurs quantiques essaiment depuis quelques années, nous sommes encore loin d’avoir atteint le passage à l’échelle. “On considère qu’il faut un ordinateur d’environ 250 qubits pour réaliser cela. Cela peut paraître petit, mais quand on regarde ce que représente 250 qubits, c’est plus d’atomes que dans l’univers tout entier !” souligne Bernard Ourghanlian.

Au défi du nombre s’ajoute celui de la qualité des qubits. Les 250 qubits utilisés devront avoir la particularité d’être… parfaits. “Il faut des qubits stables, capables de rester suffisamment longtemps ensemble pour faire un calcul. C’est pour cela que l’on fabrique des ordinateurs quantiques proches du 0 absolu. A cette température, on est proche d’une matière inerte, condensée, où les atomes ne vibrent quasiment plus. L’intérêt de maintenir la matière dans cet état, c’est que les qubits vont peu interagir entre eux.”

Inutile de préciser que personne ne dispose aujourd’hui d’une telle machine. Mais Microsoft travaille depuis des années à la conception d’un ordinateur quantique topologique, avec des caractéristiques qui permettront à ces qubits de rester cohérents, donc utilisables. Les premiers algorithmes quantiques  sont même déjà sur la table ! “On a déjà développé des algorithmes permettant d’utiliser ces calculateurs. Le seul problème, c’est qu’on n’a pas encore l’ordinateur pour les faire tourner. On développe en parallèle le logiciel, les algorithmes et les calculateurs quantiques pour être prêt quand ces derniers seront là.”

Quelques années devront encore passer avant de disposer d’un ordinateur quantique capable de réaliser cela. “Cela peut être dans 5 ans comme dans 50 ans… Le jour où l’informatique quantique arrivera, on changera complètement de monde et de très nombreux problèmes pourront enfin être résolus. Donc j’espère que ce sera plutôt dans 5 ans !”

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Des commutateurs optiques

Comment ça marche ?

On utilise aujourd’hui des routeurs pour faire transiter des paquets de données d’un réseau IP vers un autre réseau IP. Pour l’instant, ces routeurs sont fabriqués en utilisant des puces de silicium. Problème : les demandes en capacités de traitement explosent tandis que le silicium utilisé dans les switchs n’arrive plus à tenir la charge car la loi de Moore arrive à ses limites. Et quand ils tiennent la charge, ils chauffent de plus en plus, avec un impact négatif sur la planète. D’où l’idée de de remplacer ces commutateurs électroniques par des commutateurs optiques, qui traitent des photons.

Qu’est-ce que ça va changer ?

Passer à un commutateur optique permettrait de ne plus avoir à jongler entre photons et électrons. Concrètement, un routeur fonctionne de manière assez simple : il a une fibre optique en entrée qui conduit des photons, un commutateur électronique au milieu qui transforme les photons en électrons pour passer dans le circuit électronique et qui les retransforme en photons pour alimenter la fibre optique en sortie. “Si j’avais un commutateur entièrement optique, je serais toujours avec des photons, donc je passerais du point A au point B sans avoir la nécessité de transformer mon photon en électron”, souligne Bernard Ourghanlian.

Avec comme avantage un bien meilleur débit, un temps de latence de commutation beaucoup plus faible et un impact énergétique réduit.

À quel horizon ?

Une révolution se prépare actuellement avec l’utilisation de l’optique, au niveau du réseau et pour stocker des informations. Je pense que ces innovations arriveront d’ici 5 ans.”

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La révolution du stockage

Comment ça marche ?

Le stockage de données se divise en deux catégories : d’un côté, le stockage des données chaudes, stockées sur des disques durs ou disques SSD, et de l’autre des données plus froides qui sont archivées et utilisées seulement de temps en temps. “Dans ces deux cas, on travaille sur de nouvelles méthodes reposant sur de l’optique, explique Bernard Ourghanlian. Dans le cas des disques classiques, on va les remplacer par des hologrammes créés dans un cylindre ou une brique de verre et lisibles via un réseau d’interférences entre deux lasers.” Ce système consiste à envoyer des impulsions laser et à enregistrer les interférences à l’intérieur du verre.

Pour l’archivage, on avance sur deux technologies : la première vise à stocker les données sur du verre, l’autre à les stocker dans de l’ADN synthétique.” Le stockage sur verre consiste à imprimer sur une plaque en verre d’environ un millimètre d’épaisseur des voxels, c’est-à-dire des images qui vont représenter les données que l’on cherche à stocker. Ceci grâce à un laser très haute vitesse appelé laser femtométrique. Quant au stockage dans de l’ADN synthétique, il permet d’utiliser les 4 acides aminés qu’on trouve dans l’ADN.

Qu’est-ce que ça va changer ?

Dans un datacenter, les disques classiques tournent autour de 12.000 à 15.000 tours/minutes et consomment beaucoup d’énergie. Le système des hologrammes permettrait de fabriquer de nouveaux supports immobiles, donc moins énergivores, et moins chers.

En outre, l’énorme intérêt du stockage sur verre est sa durée de vie, virtuellement illimitée. “On serait capable de stocker pendant des milliers, des dizaines de milliers voire des millions d’années ! Aujourd’hui, on est incapables d’archiver des données aussi longtemps puisque les bandes magnétiques utilisées pour le stockage d’archive présentent le gros inconvénient de se démagnétiser au bout de plusieurs années. Donc il faut de nouveau restocker et cela coûte très cher.”

Microsoft a d’ailleurs un partenariat avec Warner Bros pour stocker sur verre tout leur patrimoine de films, qui sont aujourd’hui sur des bandes qui s’abîment. Pas de risque de détérioration ou de perte avec le verre. “On a fait des tests consistant à mettre du verre dans un micro-onde, le rayer… Et on arrive toujours à lire les données ! Donc ce qui est extraordinaire dans ce dispositif, c’est que c’est à la fois peu coûteux et très durable et résistant.”

Quant à l’ADN synthétique, il propose une densité de codage beaucoup plus grande que les bits, puisque l’on utilise les 4 acides aminés de l’ADN. Avec la possibilité de stocker des quantités extrêmement importantes de données. “C’est un sujet qui arrivera peut-être un peu plus tard dans le temps mais qui est très intéressant car il offre une densité de stockage absolument gigantesque, beaucoup plus grande encore que celle que l’on peut trouver dans du verre, note l’expert. On a réalisé des prototypes de stockage sur de l’ADN mais on n’est pas encore capable de mettre ça en production à grande échelle.”

À quel horizon ?

D’ici 5 ans pour le stockage dans du verre, “une technologie quasiment mature” selon Bernard Ourghanlian.

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Vers une désagrégation des datacenters

Comment ça marche ?

Aujourd’hui, quand on conçoit les serveurs dans un datacenter, on utilise en général des racks (ou baies en français) mis les uns à côté des autres avec, dans chacun, des CPU, du stockage et des GPU. “Ce qui arrive dans un futur proche, c’est ce que l’on appelle la désagrégation des datacenters. C’est-à-dire que l’on va avoir la possibilité de mettre dans la même armoire une seule sorte de ressources, mais en ayant la possibilité de créer des software defined servers.” 

Soit des serveurs composés de “morceaux” issus d’un rack dans lequel il n’y a que de la mémoire, d’un autre dans lequel il n’y a que du stockage, d’un 3e avec que des capacités de calculs etc. Le tout sera ensuite assemblé dynamiquement et programmé par logiciel.

Qu’est-ce que ça va changer ?

Ces serveurs d’un nouveau genre présentent beaucoup d’avantages en termes énergétiques, pour avoir des datacenters sobres. Ils permettent aussi plus de souplesse d’utilisation des datacenters cloud. “Tout ce que l’on peut faire pour éviter d’allumer des briques de ces datacenters qui ne servent à rien, c’est autant d’intérêt financier et économique mais aussi d’impact en termes d’émission de gaz à effet de serre.”

À quel horizon ?

D’ici 5 ans.

Questions fréquentes

Comment fonctionne un ordinateur quantique ?

L’ordinateur quantique utilise des bits quantiques, ou qubits, qui ne prennent pas comme valeur 0 ou 1, mais une superposition de 0 et de 1. … Cette superposition, qui est un état quantique de la matière, permet d’avoir une puissance de calcul décuplée, bien supérieure à l’ordinateur classique dont les bits ne peuvent prendre comme valeur que 0 ou 1.

Comment construire un ordinateur quantique ?

Un ordinateur quantique doit maintenir ses qubits dans un état stable. Pour créer un ordinateur quantique, il faut donc concevoir un ordinateur capable d’atteindre une température proche du zéro absolu.

Comment fonctionne le stockage sur verre ?

Le stockage sur verre consiste à imprimer sur une plaque en verre des voxels grâce à un laser très haute vitesse appelé laser femtométrique. 

Qu’est-ce qu’un voxel ?

Un voxel est un pixel en 3D. Des voxels forment des images représentant les données à stocker sur du verre.

Qu’est-ce qu’un commutateur optique ?

Ce sont des commutateurs alimentés par des photons. Ils visent à remplacer les commutateurs électroniques (ou switch) pour éviter d’avoir à transformer les photons en électrons pour pouvoir se déplacer dans le circuit électrique.

 

 

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