L’intelligence artificielle et la réalité mixte pour mettre en valeur le patrimoine
Comment l’intelligence artificielle et la réalité mixte augmentent-elles l’expérience culturelle ? Comment permettent-elles de renforcer l’attractivité des lieux touristiques ou de préserver des endroits menacés ? Autant de questions auxquelles musées et start-up françaises tentent de répondre en travaillant de concert.
Un visiteur, lunettes de réalité mixte sur le nez, tourne autour d’une pièce de musée en exécutant, à l’occasion, des mouvements de clic ou de zoom avec ses doigts. Cette image pourrait paraître issue tout droit d’un film detwx science-fiction et pourtant, c’est une scène que vous pouvez déjà vivre, jusqu’au 14 janvier 2019, au Musée des Plans-Reliefs, situé dans les combles de l’Hôtel des Invalides à Paris.
D’octobre 2018 à la mi-janvier 2019, le musée propose une exposition intitulée « Le Mont Saint-Michel, regards numériques sur la maquette », et pour cause : l’imposante maquette du Mont Saint-Michel du musée a été augmentée d’hologrammes permettant aux visiteurs d’explorer toutes les facettes du Mont via des plans de coupe, des salles souterraines et des passages en immersion.
Inviter le spectateur à une aventure
Conçue avec les start-up françaises Iconem, qui s’est donnée pour mission de numériser le patrimoine menacé de destruction par le pillage, l’urbanisation, les conflits armés et le changement climatique, et HoloForge, branche d’Asobo Studio dédiée à la création d’applications Microsoft HoloLens pour les grandes entreprises, l’expérience a de quoi révolutionner le monde de la médiation culturelle.
Une expérience qui aurait pu ne jamais voir le jour. « Sans Microsoft, nous n’aurions jamais pu mettre en place une telle initiative ! », explique Emmanuel Starcky, le directeur du Musée des Plans-Reliefs. Brad Smith, président de Microsoft, témoignait lui-même que « les photos ne rendent pas justice à la beauté et à l’histoire riche du Mont Saint-Michel. Les technologies comme l’IA et la réalité augmentée peuvent aider à préserver et ce symbole magnifique de l’histoire française, et à le transmettre aux nouvelles générations. »
« L’idée, c’est d’inviter le spectateur à une aventure », développe Emmanuel Starcky. Et quelle aventure ! A travers les lunettes HoloLens, le Mont Saint-Michel dévoile des trésors méconnus sous les yeux des spectateurs. Un point de vue partagé par Nino Sapina, co-fondateur et président de Realcast, qui développe des jeux en réalité augmentée à destination des sites culturels : « la réalité mixte ajoute quelque chose à l’expérience muséale, et permet, par l’interaction, aux spectateurs de mieux retenir ce qu’ils ont vu ».
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Musées augmentés et serious games pour attirer les jeunes
Une position illustrée par l’expérience menée tout récemment par Realcast au domaine de Chamarande, dans l’Essonne. Grâce à la réalité augmentée, les visiteurs étaient invités à reconstituer les principales étapes de la construction du domaine, du XVIIe au XXIe siècle. Comment ? En jouant à un serious game composé de plusieurs étapes, comme trouver des dates cachées dans la pièce, ainsi que des éléments de construction à replacer sur une maquette holographique.
« La réalité mixte ouvre des perspectives immenses en termes de contextualisation, abonde Emmanuel Starcky, mais aussi en termes de pédagogie. » Ainsi, en « augmentant » les musées et les sites culturels, la technologie peut aider à démocratiser l’accès à la culture. « Dans les applications de médiation que nous développons, nous utilisons un langage qui parle aux jeunes, souligne Antoine Bezborodko, producteur exécutif chez HoloForge. Et ils viennent dans les musées ! »
Sanctuariser le patrimoine grâce à la puissance du cloud
Mais le champ des possibles de la réalité mixte dans la culture ne s’arrête pas à un enjeu de démocratisation. « L’autre enjeu clé, expose Jonathan Chemla, directeur technique chez Iconem, c’est celui de la préservation des sites culturels menacés par la nature et par l’humain. » Autrement dit, trouver des méthodes de conservation numérique lorsque le patrimoine ne peut être conservé en l’état.
Pour ce faire, la start-up française se base sur des milliers et des milliers d’images d’archives, de photos prises eux-mêmes ou à l’aide de drones, mais aussi de scanners lasers pour reconstituer certains sites déjà largement détruits, comme Palmyre. En cela, le cloud Azure de Microsoft est un vrai atout : « cela permet d’augmenter la puissance de calcul, donc de traiter des images par milliers », explique Jonathan Chemla.
Ainsi, Palmyre, mais aussi Angkor, Délos, et bien d’autres sites à travers le monde ont désormais leur « double numérique » réalisé par Iconem, pour « ramener l’histoire à la vie », comme l’argue son directeur technique. Consultables en maquette 3D ou en conditions quasi réelles grâce à des casques de réalité mixte, leur transmission est donc assurée pour les générations futures. Le mariage de la technologie et de la culture a encore de beaux jours devant lui !