Relevez le défi de la transformation du travail en entreprise
S’il n’est plus à prouver que le numérique est un accélérateur de business, les contours de son impact sur les organisations restent encore un peu flous. La transformation digitale est-elle une menace ou une opportunité pour le management ? Comment passer de la théorie à l’opérationnel ? Dirigeants et experts nous livrent leur vision, leur expérience et leurs propositions pour mieux organiser le travail à l’ère du numérique.
Compte-rendu d’une table ronde organisée à l’occasion de Microsoft experiences 18.
Avant de voir comment la technologie peut transformer concrètement l’organisation du travail en entreprise, encore faut-il identifier les raisons qui poussent une organisation à se transformer. C’est en tout cas l’avis de Sébastien Huet, CTO du groupe Rémy Cointreau :
le pourquoi est important : pourquoi on bouge, pourquoi, dans notre cas, nous remettons le client au centre. C’est la clé pour mener ce travail d’évolution à bien.
« On nous demande sans cesse d’être plus performants et plus innovants pour avancer » argue de son côté Véronique de la Bachelerie, directrice générale de Société Générale consulting. Nous devons donc être agiles, tout en étant encore, dans notre secteur, sur des systèmes d’information datant des années 1970… Pour nous, c’est une évidence : les nouvelles technologies sont indispensables pour se réinventer. »
De la déconnexion physique à la reconnexion numérique
Exemple concret avec Hopscotch : pour son dirigeant Frédéric Bedin, l’impératif était de « moderniser une boîte vieillotte ». Avec deux chantiers principaux : « rassembler tout le monde 1) physiquement et 2) numériquement », le deuxième restant le plus compliqué à orchestrer. « Nous avons fait migrer tout le monde sur Office 365, raconte le directeur général et président du directoire, mais ce n’était pas suffisant. »
Pour amener ses collaborateurs à modifier leurs comportements, Hopscotch a donc opté pour une solution radicale : supprimer tous les téléphones fixes ! « Ça n’a pas été facile au début, confie avec humour Frédéric Bedin. Le débranchement physique – car c’en est un ! – ne s’est pas fait sans quelques grincements de dents, mais ça a eu un vrai impact, car nous avons commencé à découvrir de nouveaux comportements, notamment sur le placement. »
De l’analyse de besoins aux outils appropriés
Pour autant, la clé d’une transformation réussie ne passe pas forcément par le fait de jeter aux orties tous les téléphones fixes d’une entreprise ! « Il y a autant de solutions que d’entreprises, argumente Corinne Werner, à la tête des partenariats chez The Camp, « camp de base » de l’innovation numérique à Aix-en-Provence. Le point commun, c’est une nécessité permanente de changement, car le statu quo, c’est la mort pour une entreprise. »
Pour libérer l’autonomie des collaborateurs, il convient donc de bien analyser leurs besoins, dans des entreprises qui n’ont pas toutes la même culture, ni le même niveau de maturité technologique. Ensuite, tout est affaire de sens, comme le souligne Véronique de la Bachelerie :
si l’on veut que les collaborateurs prennent des initiatives, il faut comprendre ce qui les pousse à agir pour leur offrir les bons outils, qui fassent sens pour eux.
D’une position de manager à celle de facilitateur
Ce qui induit un changement dans la posture managériale. En laissant davantage d’autonomie à ses collaborateurs, le rôle du manager se déplace, devenant moins une figure d’autorité qu’un accompagnant, un facilitateur. « Il doit lâcher prise », ajoute Véronique de la Bachelerie. Dans certaines configurations, il peut également s’orienter vers une posture d’expert. Ce que Corinne Werner appelle une posture de « leader numérique ».
Ce sont ceux qui ont compris les enjeux du numérique. On les appelle aussi des corporate hackers, soit ceux qui créent de la valeur pour l’entreprise, pas pour eux.
A la Société Générale, ce changement dans la posture managériale se traduit par la mise en place d’un programme de co-développement parmi les managers, afin que les plus matures puissent aider ceux qui sont moins à l’aise avec les nouvelles technologies.
D’une « vision métier » à une « vision compétences »
« Cela amène l’entreprise à redéfinir des fiches de postes pour chaque métier », poursuit Sébastien Huet. Un point de vue complété par Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l’Association nationale des DRH : il s’agit de « sortir du carcan « vision métier » pour adopter une vision beaucoup plus transversale, basée sur les compétences ». Adossée à une notion de contrat psychologique, « car les métiers restent tout de même attachés à leur identité » !
« Cela pose de nombreuses questions, notamment sur le volet dialogue social, ajoute-t-elle. Avec qui parle-t-on lorsque l’autorité managériale se dilue ? » Plus largement, qui est responsable de quoi ? C’est là où les avis divergent. Pour Frédéric Bedin, d’Hopscotch, à partir du moment où la technologie autonomise les collaborateurs, il faut « laisser faire, car ils s’autorégulent par eux-mêmes ».
De l’Agence Tous Risques à Hugo Lloris
En revanche, pour Véronique de la Bachelerie, « un certain nombre de règles doit être défini pour ne pas sacrifier l’importance du travail d’équipe. Ce n’est que de cette manière que la stratégie de l’entreprise peut être gagnante. » Corinne Werner, elle, propose un juste milieu :
il est important de laisser faire, car cela génère de la confiance. Pour autant, il faut aider les managers à trouver leur place, par le biais de retraites, par exemple.
Sans oublier l’intelligence collective. « Regardez l’Agence Tous Risques, poursuit-elle. Barracuda et Looping ne sont pas copains, et rarement d’accord, mais la réussite de leur entreprise naît bien souvent de la confrontation de leurs idées. » Une analogie également filée par Sébastien Huet, pour qui « l’échec ne doit pas être une crainte : l’important est d’être toujours prêt à l’action dans un monde de l’entreprise en perpétuel mouvement. »
Frédéric Bedin, lui, pense à une autre image : « si je résume, le manager me semble proche de la figure du capitaine d’une équipe de football : c’est un joueur comme les autres, pour autant, il se doit d’être un exemple pour toute son équipe, et porte une responsabilité supplémentaire sur la réussite comme l’échec du collectif. » Ne reste qu’à souhaiter à ces managers 2.0 le même succès que les Bleus lors de la Coupe du Monde !
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A retenir :
- Avec le numérique, la posture du manager évolue. Il devient le facilitateur, celui qui accompagne les collaborateurs, et notamment ceux qui peuvent avoir des difficultés avec les nouvelles technologies.
- Cette dilution de l’autorité managériale peut aboutir à plusieurs scénarios : une autorégulation des collaborateurs ou la définition de nouvelles règles…
- En fait, il n’existe pas de scénario ou de vérité qui pourrait s’appliquer à toutes les entreprises. L’important ? Dans tous les cas, il est vain de craindre l’échec, ce qui compte c’est de rester en mouvement et de ne pas avoir peur de se réinventer !