Comment le numérique a fait passer le métier de CFO dans une nouvelle dimension
En quelques années, le métier de Chief finance officer (CFO) a changé de statut. En maîtrisant les données et leur disponibilité, il occupe désormais une position stratégique dans l’entreprise. C’est ce que nous explique Christine Ernult, Deputy Group CFO de Téléperformance.
Christine Ernult est Deputy Group CFO de Teleperformance, entreprise cotée au CAC40, présente dans 80 pays, et leader mondial de la gestion omnicanale de l’expérience client externalisée. Depuis une trentaine d’années, elle a été une actrice de ces évolutions dans ses différents postes, jusqu’à mettre en place, chez Teleperformance, un grand projet de transformation numérique basé sur les solutions cloud comme Microsoft Dynamics 365 Finance & Operations et SAP digital boardroom.
Quelles ont été les grandes étapes de transformation de votre métier de CFO ?
Quand j’ai commencé à travailler il y a 35 ans chez un importateur de véhicules, au service comptabilité, il n’y avait pas d’informatique. La comptabilité était tenue sur une machine mécanographique ! On m’a rapidement demandé de mettre en place un ordinateur et un logiciel comptable.
J’ai ensuite travaillé chez Havas pendant 20 ans. À l’époque, quand on entrait une écriture dans l’outil comptable, le traitement demandait 30 minutes pour obtenir un bilan ou un compte de résultat. Nous passions donc notre temps à attendre les traitements informatiques, à faire des calculs, à remplir des bordereaux… Il y avait un seul ordinateur pour toute l’équipe de consolidation, que nous faisions tourner la nuit pour les opérations les plus longues.
Et enfin les tableurs sont arrivés. Excel nous a changé la vie. Puis lorsque Internet est arrivé, les interfaces Web ont tout simplifié : avec l’installation du premier outil de consolidation, les collaborateurs des différentes filiales pouvaient enfin saisir eux-mêmes leurs liasses pour qu’elles nous parviennent directement. Auparavant, il fallait installer le logiciel de consolidation dans chacune des filiales.
La dernière nouveauté est intervenue il y a quatre ou cinq ans, avec le cloud et les outils de dashboarding comme Microsoft Power BI et les outils BI de SAP qui nous facilitent vraiment la tâche. Tout le monde peut désormais gérer de grandes quantités de données en temps réel en les présentant dans des tableaux de bord.
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Comment le rôle de CFO a‑t-il évolué au cours des années ?
En trente ans, l’évolution a été impressionnante. Le CFO a changé de posture. Auparavant, nous passions énormément de temps à aller chercher des informations. Alors qu’aujourd’hui, nous avons accès à une multitude de données. Il faut sélectionner les plus pertinentes et trouver le meilleur moyen de les présenter pour en tirer des informations utiles aux commerciaux, au Comex, aux RH… Il faut créer des dashboards et des rapports pour qu’une information unique soit accessible sous différents angles.
Par ailleurs, du fait de ces évolutions cloud, l’IT est désormais beaucoup moins présente dans tous nos projets car les solutions sont disponibles en mode Saas. Il y a dix ans, on s’adaptait à elles et aujourd’hui c’est l’inverse : l’IT s’adapte aussi à nos besoins. Les processus sont moins lourds car moins techniques. On peut donc être plus agiles et aller plus vite.
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Comment centralisez-vous l’ensemble des indicateurs financiers du groupe aujourd’hui ?
Nous consolidons et centralisons toutes ces infos via notre « Digital Boardroom », une plateforme cloud que l’on peut consulter en temps réel sur sa tablette. Elle permet aux commerciaux et à la direction de prendre de meilleures décisions.
Je suis partie des powerpoints soumis aux réunions du board et j’ai voulu trouver un moyen ludique de présenter ces informations. Pendant un an, j’ai rencontré chaque mois les différents métiers concernés (commerciaux, CFO, DRH…) pour leur demander leurs besoins : le mode d’accès aux informations, les éléments à comparer, le niveau de détail, etc. Puis j’ai fait de nombreux essais pour parvenir à un résultat satisfaisant. La digital boardroom est beaucoup utilisée aujourd’hui, et elle est déclinée sous différentes formes.
- Nous avons notamment conçu 4 modes de présentation des données de du groupe, à destination du CEO. Il peut ainsi consulter :
– Les informations clés sur les clients qu’il rencontre (activité, type de produits, chiffre d’affaires, pays d’implantation…)
– Les informations financières clés pour les prospections bancaires
– Les principales KPI du groupe
– Les informations sur nos différentes filiales, quand il se déplace à l’étranger -
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Vos relations avec les autres métiers du groupe ont-elles évolué?
Tout à fait. Aujourd’hui, pour les commerciaux, nous sommes de vrais partenaires, et non plus simplement des comptables, car nous avons une meilleure compréhension de leur activité grâce aux nouveaux outils numériques. Nous pouvons par exemple leur conseiller de comparer leurs chiffres venant du CRM aux données réelles pour qu’ils soient plus réalistes. Nous avons énormément collaboré avec eux, ce qui nous a donné une importante valeur ajoutée.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez réalisé la transformation numérique de la finance chez Téléperformance ?
Nous avons lancé un projet de digital transformation après avoir fait le point sur les outils utilisés, le temps de traitement des demandes, les reportings… Participant moi-même à des réunions budgétaires trimestrielles, où le comité exécutif revoit les business plans des différentes régions, j’ai réalisé l’ampleur du travail de préparation que devaient effectuer les équipes financières. Environ 3 000 jours-homme par an. Notre objectif était donc d’automatiser ces tâches et d’optimiser les flux.
Le projet a été lancé il y a trois ans, en partenariat avec Microsoft et SAP. Nous étions très avancés dans la collecte des données, mais il nous manquait un outil intelligent pour restituer cette information dans un format électronique, et non dans des classeurs papier de 150 pages, peu exploités.
Il fallait également répondre à la demande des filiales, qui avaient besoin d’outils financiers plus efficaces, plus modernes et plus homogènes. Nous avons donc opté pour Microsoft Dynamics 365. Nous l’implantons progressivement dans l’ensemble des filiales. Notre objectif est de faire bénéficier nos filiales d’un core model sécurisé, pertinent, réplicable et qui répond aux critères d’exigence du Groupe en termes de process. Les équipes locales disposent quant à elles d’outils très efficaces et sécurisés, qui leur permettent d’établir des rapports très facilement, notamment grâce à PowerBI.
Avec l’avènement des nouvelles technologies et la volonté d’avoir plus d’informations plus rapidement, l’automatisation est vraiment la clé du succès je pense. Une trentaine de nos filiales sont déjà équipées de Dynamics 365 dans une quinzaine de pays (notamment en Europe et en Inde), et nous commencerons la zone Espagne, le Portugal et l’Amérique latine en juin.
Quelles compétences faut-il apprendre à développer dans ce nouveau contexte ?
Aujourd’hui, il est indispensable pour un CFO de savoir s’imprégner de l’opérationnel. C’était sans doute déjà un peu le cas avant, mais aujourd’hui, c’est incontournable. Un CFO doit pouvoir comprendre les métiers et les enjeux des métiers, car ils sont en charge de développer des outils pour eux. Il faut avoir une bonne vision de ce dont ils ont besoin et des KPIs pertinents pour proposer des choses simples, à leur portée et qui leur font gagner beaucoup de temps.
Comment avez-vous travaillé pendant la période du confinement ?
Grâce aux outils cloud, toutes les filiales qui avaient bénéficié de l’implémentation de Dynamics 365 n’ont eu aucune difficulté à travailler de chez elles. Cela a énormément facilité le travail pendant le confinement. Nous avons eu de la chance, car quelques mois avant, on nous avait installé Teams. Le bilan est unanime, ça nous a changé la vie durablement. À partir de maintenant, nous nous enverrons moins de mail pour utiliser plutôt la visioconférence et le partage de documents pour échanger.